Une maladie orpheline de moins
Orphacol, un médicament vraiment orphelin
Traiter quelques centaines de patients tout au plus en France. Tel est le challenge d’Orphacol, un médicament issu de la recherche hospitalière française pour soigner une maladie hépatique souvent mortelle.
Basé à Boulogne-Billancourt, dans la banlieue ouest de Paris, le laboratoire pharmaceutique Cell Therapies Research & Services (CTRS) a obtenu le niveau 1 – le plus élevé – d’Amélioration du service médical rendu (ASMR) délivré par la Haute autorité de santé pour son médicament orphelin Orphacol, unique traitement actuel contre les déficits de synthèse d’acide biliaire primaire, des maladies extrêmement rares et souvent mortelles en l’absence de traitement. Orphacol évite aux patients une transplantation hépatique aux conséquences très lourdes, notamment chez le très jeune enfant.
Orphacol est le premier médicament directement issu de la recherche académique de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à obtenir une ASMR 1. Une reconnaissance pour ce partenariat public-privé de longue date entre les équipes de l’AP-HP et CTRS. La naissance de ce traitement est, en effet, l’aboutissement d’une longue et belle histoire médicale, pharmaceutique, industrielle et humaine, démontrant, contre tous les schémas de développement économique actuels de l’industrie pharmaceutique, la possibilité de produire des médicaments pour un très faible nombre de patients. Un véritable espoir pour le développement d’autres médicaments destinés à traiter d’autres maladies rares.
Au début des années 1990, le professeur Emmanuel Jacquemin, du service d’Hépatologie et de transplantation hépatique pédiatriques de l’Hôpital du Kremlin-Bicêtre (Hôpitaux Universitaires Paris Sud – AP-HP) démontre que l’administration orale quotidienne d’acide cholique permet de traiter de jeunes patients atteints de deux pathologies métaboliques héréditaires extrêmement rares et graves, caractérisées par un déficit soit en 3β-hydroxy-Δ5-C27-stéroïde déshydrogénase/isomérase, soit en Δ4-3-oxostéroïde 5β-réductase. Deux enzymes dont l’absence ou la mutation entraîne une accumulation de métabolites toxiques dans le foie, qui évolue d’abord vers une cholestase puis vers une insuffisance hépatique progressive irréversible et presque toujours létale en l’absence de traitement. Seul traitement jusqu’ici, la greffe de foie… avec toutes les conséquences et les risques qu’elle comporte. D’autant que cet acte doit être réalisé, le plus souvent, dès les premiers mois ou les premières années de la vie.
Les premiers résultats de ce qui deviendra Orphacol sont si spectaculaires que la pharmacie de l’hôpital Bicêtre commence la production des premières gélules. Pour faire face à la demande croissante pour le nouveau médicament, l’hôpital se tourne alors vers l’Agence générale des équipements et produits de santé et l’Établissement pharmaceutique de l’AP-HP pour redémarrer la production. En 2002, le produit obtient le statut de médicament orphelin.
Un accord de licence exclusive est signé en 2007 avec le laboratoire CTRS, qui assure le développement industriel et dépose une demande d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne pour la préparation d’acide cholique sous l’appellation Orphacol, qui dispose alors d’Autorisations temporaires d’utilisation (ATU). Le 12 septembre 2013, le médicament orphelin Orphacol obtient son AMM pour le Vieux continent, où la maladie toucherait une centaine de personnes.
Avec une durée de traitement d’environ 16 ans, l’efficacité et la tolérance d’Orphacol ont été largement démontrées, aucun patient n’ayant subi de transplantation hépatique. À l’inverse, tous ceux ayant participé aux essais ont retrouvé une qualité de vie normale.
N’est-ce pas ce que l’on attend d’un traitement… même s’il n’intéresse, au mieux, que quelques milliers de patients à travers le monde ?