Diabète : la France engagée dans la course au pancréas artificiel

La France engagée dans la course au pancréas artificiel
Les diabétiques de type 1 qui ne parviennent pas à équilibrer leur glycémie pourraient, dès 2019,  bénéficier du dispositif français baptisé Diabeloop.

C’est un pancréas artificiel imaginé par une start-up française, Diabeloop. Ses concepteurs espèrent bien coiffer sur la ligne d’arrivée le géant américain Medtronic, qui truste déjà les trois quarts du marché des pompes à insuline. Un pari difficile puisque Medtronic a déjà annoncé le lancement de son dispositif pour 2017, sans même parler des autres candidats sérieux sur les rangs.

Mais rien n’est encore joué dans un marché évalué à plusieurs centaines de millions de dollars par an. Lors d’une conférence de presse, ce mardi à Paris, Erik Huneker, le directeur général de Diabeloop, l’a souligné: «pour l’instant plusieurs systèmes sont annoncés mais aucun n’est commercialisé».

À quoi sert un pancréas?
À libérer de l’insuline dans le sang. Une hormone vitale qui permet de ramener le taux de sucre (glycémie) dans une zone normale lorsqu’il s’élève trop, par exemple après un repas. Vitale car sans insuline une personne tombe dans le coma. C’est le risque que courent les diabétiques de type 1 dont le pancréas ne fonctionne plus. C’est donc à eux que se destine ce pancréas artificiel.

Se passer de toute intervention humaine
La découverte et la fabrication de l’insuline dans les années 1920 ont heureusement permis de remédier au manque de cette hormone. Mais au prix d’injections pluriquotidiennes et de vérifications fréquentes du taux de sucre pour en ajuster la posologie. En effet, de trop fortes doses risquent de dépasser l’objectif et d’abaisser excessivement la glycémie, provoquant un malaise, parfois sévère, voire mortel!

Le principe d’un pancréas artificiel est véritablement en germe depuis le début des années 2000, lorsque les premiers capteurs de la glycémie en continu ont été développés. Puisqu’il devenait possible de connaître la glycémie quasiment en temps réel sans l’inconvénient de devoir multiplier les piqûres au bout du doigt, la tentation d’ajuster également en continu les doses d’insuline administrées s’imposait logiquement.

D’autant qu’en parallèle de ces progrès sur les capteurs se développaient aussi les pompes, capables de délivrer un flot minimal continu, et ajustable, d’insuline. Restait à ajouter une intelligence artificielle (algorithme), capable de déduire à partir des glycémies relevées par le capteur la dose d’insuline à libérer. D’abord à l’aide d’ordinateurs, puis, ces dernières années, avec des smartphones qui indiquent au malade comment régler le débit de sa pompe. Désormais l’ambition est de se passer de l’intervention humaine en laissant le capteur, l’intelligence artificielle (IA) et la pompe à insuline, dialoguer ensemble. «Ou presque, nuance Erik Huneker, car un capteur ne peut pas prévoir que vous allez manger. Il faut donc prévenir l’IA environ 10 minutes avant le repas en lui précisant si c’est un repas habituel, plus important, ou moins important que d’habitude. Même chose pour le sport, qui va au contraire réduire les besoins en insuline. Il faut avertir l’IA environ 30 minutes avant l’effort.»

«Capteur, pompe, algorithme, ce sont les trois éléments du pancréas artificiel», explique le Dr Guillaume Charpentier, président du Centre d’études et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète (Ceritd) et président de la société Diabeloop. La start-up a été fondée en 2015 mais le projet a été lancé en 2011 avec l’appui du Leti, un des instituts de recherche avancée du CEA (Commissariat à l’énergie atomique). «L’intégration système, la microélectronique, c’est notre cœur de métier», souligne Marie-Noëlle Semeria, directrice du Leti. Le pancréas de Dabeloop a déjà été évalué avec succès sur 15 patients pendant trois jours aux CHU de Caen, Nancy et Strasbourg. Cette année, 36 patients vont entrer dans des essais hors hôpital et, en 2017, 100 patients seront suivis pendant trois mois à domicile.

«L’étape clé a été franchie en 2011 avec un premier essai hors hôpital à Montpellier», explique le Pr Éric Renard, coordinateur du département d’endocrinologie, diabète, nutrition au CHU de la ville. «C’est une véritable révolution pour les malades du diabète», se félicitait en janvier Marisol Touraine, la ministre de la Santé, lors de l’inauguration de la première journée nationale de l’innovation en santé. L’aventure n’est pas terminée.

Une avancée très attendue par les malades

Les patients sont impatients. «Les deux tiers d’entre eux seraient même prêts à payer de leur poche pour avoir  accès au pancréas artificiel  s’il était disponible aujourd’hui», explique Gérard Raymond, le président de la Fédération française des diabétiques, fort des réponses de 738 membres  de l’association qui ont répondu à un sondage,  par mailing et via les réseaux sociaux. Il est vrai  que l’Assurance-maladie  n’a jusqu’alors pas fait preuve d’un grand enthousiasme pour ces progrès technologiques.  «La lecture de la glycémie en continu n’est toujours pas remboursée», déplore Gérard Raymond.  «Elle l’est en Suède, Hollande, Slovénie…», remarque  le Dr Guillaume Charpentier, président de Diabeloop.
L’attente des patients est facilement compréhensible. «Nous sommes en permanence attentifs pour ne pas tomber en hypoglycémie, explique Gérard Raymond. Dans notre sondage on voit bien que ça nous arrive tout de même souvent: au moins 5 fois par semaine pour 25 % des répondeurs et 4 fois par semaine pour 15 %.» D’ailleurs, 8 % des sondés disent faire au moins un coma par an! Parmi les contraintes le plus souvent mises  en avant: le fait de devoir s’occuper tout le temps de son diabète, la peur des résultats de ses glycémies et la crainte des hypoglycémies.

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