Le WCG et l’avenir de la recherche – (Traduction)
Traitements en attente.
Katrina Megget se penche sur l’avenir de la recherche qui met à profit la puissance de calcul de la World Community Grid
En résumé
- Le World Community Grid utilise les PC de bénévoles afin d’effectuer des simulations lorsque ces PC ne sont pas exploités au maximum ou lorsqu’ils sont en veille ou au repos.
- Le grand nombre d’ordinateurs impliqués peut diminuer drastiquement les temps de calcul en les faisant passer d’une année à une semaine.
- Les projets couvrent une plage qui va de la découverte de médicaments à la simulation de la façon dont les protéines se replient, mais le principe de la grille peut être appliqué à tout problème de calcul informatique.
Ce n’est pas tous les jours qu’en se tournant les pouces on peut résoudre quelque uns des plus grands problèmes de l’humanité, ceux de la santé… Mais pendant que vous faites une pause en vous envoyant une dose de caféine ou que vous bavardez près du distributeur de boissons fraîches, votre ordinateur pourrait aider à trouver le remède contre le cancer ou le sida. En fait, 1,6 millions d’ordinateurs personnels en mode veille travaillent actuellement à travers une pléthore de simulations virtuelles, de repliement des protéines à des interactions médicament-cible, dans le cadre de la plus grande du monde supercalculateur humanitaire publique connue sous le nom World Community Grid (WCG).
Actuellement dans sa sixième année, l’initiative d’IBM représente un réseau d’ordinateurs individuels appartenant à 530.000 volontaires dans plus de 80 pays à travers le monde. Cette «grille» fonctionne en exploitant les temps d’inactivité des ordinateurs particuliers. Plutôt que de s’amuser avec un économiseur d’écran animé, les PC effectuent différents calculs en utilisant un logiciel spécialement conçu. Une fois terminé, les résultats sont renvoyés au serveur principal pour fournir aux chercheurs des informations utiles dans leur quête de remèdes contre la maladie.
Cela peut ressembler à une politique de non-intervention, mais l’avantage de la grille est d’accélérer la recherche : ce qui pourrait coûter des années de calculs dans un laboratoire prend seulement quelques mois avec le WCG qui est nettement moins onéreux et qui respecte l’environnement. Sept résultats par seconde sont retournés 24h /24 et 7j /7 par les PC des bénévoles Pour imager le nombre de calculs effectués par le réseau chaque jour il faut se dire qu’il est équivalent à la somme des calculs d’un PC fonctionnant en continu pendant plus de 180 ans.
»Seul le groupe est intelligent – deux têtes valent mieux qu’une », explique Joseph Jasinski, directeur des programmes de soins de santé d’IBM et Lifesciences Institut de Hawthorne, États-Unis. »C’est comme ça avec l’homme et c’est pareil avec les ordinateurs »
Ensemble nous sommes plus forts.
Depuis leur création, les ordinateurs ont toujours eu un rôle important dans la recherche, l’exécution des algorithmes complexes, etc. Toutefois, ce n’est que ces dernières années monsieur tout le monde a pu accéder à cette puissance de calcul. Cela a conduit à une amélioration notable dans la recherche – plusieurs processeurs peuvent travailler ensemble pour effectuer des calculs à un rythme plus rapide. Cela leur permet de faire face à des modèles plus sophistiqués et à des simulations graphiques complexes.
»Avant que la technologie de la grille de calcul existe, les scientifiques avaient tendance à s’appuyer sur des ordinateurs autonomes qui n’étaient pas connectés entre eux ni connectés au monde extérieu », disait Jasinski. »Cela a commencé à changer avec l’internet, où les calculs pouvaient être contrôlés à distance ou envoyés à un collègue. Puis les réseaux peer-to-peer, la baisse du coût des processeurs et l’avènement des ordinateurs multiprocesseurs ont ouvert la voie aux grilles de calculs. »
À bien des égards le WCG est révolutionnaire, alliant la technologie et la puissance collective des réseaux de PC avec une communauté d’esprit pour fournir des résultats bon marché, rapides et prometteurs. Mais Jasinski ne veut pas parler d’une technologie futuriste, même s’il y a quelqsues décennies l’informatique en grille était considérée comme relevant de la science-fiction. « Le World Community Grid est un bel exemple de la façon dont le monde peut être plus intelligent lorsqu’il met en commun de la bonne volonté, des idées et les ressources des volontaires sans nécessiter trop de temps ou d’argent », dit-il. » Et quand le monde est confronté à un vieillissement de la population, augmentant le fardeau des maladies chroniques et l’insuffisance de traitement des maladies infectieuses, le temps et d’argent sont les moteurs de la recherche médicale. »
C’est exactement là où le réseau entre en jeu. »Par exemple », dit Jasinski, »si nous avions un million de molécules à tester pour vérifier si elles seraient efficaces en tant que nouveaux médicaments, et que nous n’ayons besoin de faire qu’un seul calcul pour chaque molécule, et bien, si je n’avais qu’un seul ordinateur et que chaque calcul prenait une minute, il me faudrait un million de minutes ou environ deux ans pour terminer ma tâche alors qu’en affectant un calcul par machine à un un million d’ordinateurs, je peux terminer le travail en une minute.
La réalité de ce qui est déjà évident.
Selon Akira Nakagawara, président du Centre du cancer Chiba à l’Université de Chiba au Japon »pour le projet »Help fight childhood cancer project », environ 8000 ans de recherche doivent être raccourcis à l’aide du calcul en grille », tout en notant »qu’il est absolument impossible de faire ce genre de recherche dans un laboratoire ordinaire. » Ce projet concerne le dépistage de trois millions de petites molécules vis-à-vis de six objectifs dans l’espoir de trouver environ 30 produits chimiques qui pourraient traiter le neuroblastome qui est un cancer qui se rencontre surtout chez les enfants. Sept produits chimiques qui détruisent spécifiquement les cellules de neuroblastome ont déjà été finalisés pour le premier objectif.
De même, le projet ‘Help conquer cancer’ – qui est en train d’analyser 86 millions d’images de cristallographie aux rayons X pour faciliter l’identification des relations protéines / cancer – a pu considérablement diminuer les temps de recherche. Comme le dit Igor Jurisica de l’Institut ontarien du cancer au Canada »C’est un projet à long même avec le calcul en grille mais sans le WCG nous n’aurions pas assez de notre vie pour terminer cette analyse. » Le calcul permet à l’équipe d’identifier les gènes caractéristiques ou expression »signature » des protéines qui peuvent aider au diagnostic et à la surveillance des maladies, ou de prédire la façon dont les patients réagiront à certains traitements. Trois de ces signatures sont le cancer du poumon déjà au stade préclinique, alors que l’étude des signatures similaires dans la leucémie, de l’ovaire et de la tête et dans celles du cancer du cou sont encore en attente.
De nombreux »crunchers »
Pour Stan Watowich à l’Université du Texas Medical Branch de Galveston, cela va de soi que les États-Unis, font de la recherche de cette façon – en particulier dans les domaines des maladies considérées comme à risque élevé ou insolvables. L’équipe de Watowich utilise le WCG pour trouver des traitements contre la dengue et le virus du Nil occidental et a été en mesure de réduire les temps de recherche qui étaient d’environ 25 ans sur les ordinateurs multiprocesseurs classiques de laboratoire à quelques semaines via le WCG.
Dans la première phase du projet, l’équipe a étudié environ 15 protéines différentes qui pourraient être des cibles potentielles de médicaments en raison du rôle joué par chacune dans la pathogénie de la maladie. Quelque 2,5 millions de petites molécules »candidat médicament » ont été examinées en regard de ces 15 protéines, entraînant plus de 35 millions de simulations d’accueil. Or, dans la deuxième phase, ce nombre a été réduit à 5000 molécules candidat médicament prometteur et l’équipe est en train d’exécuter des calculs d’énergie libre pour chaque de ces protéines cibles. A partir de ces calculs, 50 des meilleurs composés de liaison pour chaque protéine cible sera testé dans des essais biochimiques pour confirmer les prédictions informatiques. Comme le dit Watowich »Les composés actifs seront ensuite évaluées dans des essais de culture de cellules et d’autres tests précliniques dans le but ultime de passer du stade de nouveaux candidats médicaments prometteurs au stade final des essais cliniques chez l’homme en accord avec la réglementation des médicaments. »
Non seulement cet objectif de recherche d’attaquer le fort taux d’attrition pour les composés avançant à travers le processus de développement en fournissant des médicaments candidats les plus prometteurs qui devraient avoir une probabilité d’amélioration de l’approbation réglementaire, Watowich dit qu’il vise aussi à montrer qu’il est possible d’accélérer la découverte de médicaments en renvoyant les calculs contraignants d’énergie libre sur les importantes ressources informatiques du calculs distribués. »En cas de succès, notre approche basée sur les grilles de calculs pour la découverte de médicaments peut être appliquée à presque toutes les maladies qui ont des déclencheurs moléculaires définis » a-t-il ajouté.
La fin de l’expérimentation ?
Toutes ces simulations informatiques en grille vont-elles l’emporter sur le travail traditionnel en laboratoire ?
A cela Jasinski répond qu’il est important de voir les deux comme complémentaires. «Aujourd’hui, la science a besoin de ces deux approches. Un ordinateur peut certainement offrir une certaine efficacité qui réduit le temps et les dépenses de façon spectaculaire cependant, à un certain stade il devient nécessaire de réaliser des expériences avec la matière elle même. Jarinsky considère également qu’il ya très peu de choses dans la vie qui sont infaillibles. S’il ya des avantages à faire des simulations électroniques, en final il ne faut pas oublier qu’elles dépendent de la précision de leur modèle de calcul. Les faux positifs existent, et cela impose des recherches supplémentaires pour les éliminer.
Dans le cas de le découverte de nouveaux médicaments, Watowich ajoute que les candidats médicaments basés sur la recherche en grilles de calculs ne sont pas vraiment différents de ceux qui sont étudiés (entrés dans le pipeline) à travers d’autres parcours classiques et qu’ils auront encore besoin de subir d’importantes mises au point en chimie médicinale en tant que candidats médicaments. (??)Cependant, dit-il, le plus grand nombre de prospects générés par la grille signifie une plus grande probabilité qu’au moins un de ces candidats médicaments deviendra un traitement approuvé.
Aparté sur les limites de la modélisation. Jurisica estime que le calcul va »révolutionner » la médecine Il fait remarquer que c’est exactement ce genre de calcul par »force brute » qui avait permis l’identification de milliers de signatures pronostiques dans le cancer du poumon. En effet, ce succès a conduit l’équipe Jurisica à préparer une proposition d’un nouveau WCG où l’idée principale était de combiner les connaissances des interactions physiques des protéines, les troubles des protéines et d’autres propriétés avec les cristallisations qui ont échouées pour prévoir des expériences de co-cristallisation.
S’attaquer aux problèmes les plus difficiles
Watowich souligne que les projets de découverte de médicaments pour toutes sortes de maladies négligées ou rares et les maladies infectieuses sont sans fin. »La puissance de calcul du WCG permettra aux chercheurs de réfléchir au-delà des limites de l’informatique traditionnelle et le lancement d’essais avec de grande puissance de calcul permettrons de modéliser avec précision les processus physiques.(??) Il ajoute que «le coût relativement faible du WCG, est idéal pour étudier les maladies qui ne semblent pas offrir un retour sur investissement attractif pour les grandes sociétés pharmaceutiques.
Non seulement le WCG est une «ressource incroyable pour les chercheurs qui n’ont aucun autre moyen de tester leurs idées, notes Jasinski, il est également une base de départ pour s’attaquer aux maladies dont les traitements ont été traditionnellement été négligés. Une de ces maladies est le Sida. Selon le Global Health Council, en 2008, 33,4 millions de personnes dans le monde vivaient avec le VIH et 2,7 millions de personnes ont été récemment infectées par le virus. Bien que la maladie puisse être traitée avec des médicaments, il n’existe aucun remède. Mais ce qui est peut-être plus problématique, c’est que le virus, souvent appelé un »copieur bâclé » est en constante évolution et que de nouvelles variantes développent une résistance aux médicaments.
Arthur Olson, du Département de biologie moléculaire à l’Institut de recherche Scripps à La Jolla, Etats-Unis, utilise le World Community Grid pour résoudre ce problème. «D’un point de vue médical, l’évolution de la résistance aux médicaments chez les patients infectés par le VIH est une menace majeure pour leur survie. Notre approche consiste à comprendre les mécanismes de résistance virale et à développer des thérapies qui peuvent bloquer le virus dans un coin d’où il ne peut s’échapper. L’équipe passe au crible plus de 300.000 molécules contre les multiples variations de deux sites cibles sur la protéase du VIH, qui est impliquée dans la maturation du virus. «En général, nous espérons réduire ce nombre à 30 ou 40 composés que l’on peut alors organiser et remettre à nos collaborateurs pour qu’ils les testent expérimentalement »
De larges possibilités sont ouvertes
L’avenir de la recherche en utilisant le WCG ne consiste pas seulement à voir comment les protéines interagissent avec d’autres molécules. A l’université de New York aux États-Unis, Richard Bonneau utilise le WCG pour prédire le repliement des protéines. En prélevant des microbes trouvés à l’intérieur et sur la peau de l’homme, l’équipe cherche à savoir si les protéines provenant des gènes de ces organismes – dont beaucoup ont des séquences du gène encore inconnues – exercent de nouvelles fonctions ou si leur structure de la protéine qui en résulte est semblable à des structures connues. »En utilisant le WCG, nous pouvons commencer à répondre à certaines de ces questions et peut-être découvrir de nouvelles enzymes ou des protéines échafaudage tout en essayant de comprendre toute l’étendue de l’espace de repliement des protéines », explique Kevin Drew, qui prépare un doctorat dans l’équipe de Bonneau. Normalement, ce serait un exercice coûteux et fastidieux, mais le WCG peut aider à hâter les résultats du laboratoire. À ce jour, les protéines traduites à partir de plus de 94 génomes ont été pliées dans ce projet.
En effet, les génomes et d’ADN sont appelés à jouer un rôle croissant dans de futures recherches en grille. Déjà, Olson et son équipe commencent à utiliser des données de patients pour comprendre les variations individuelles en réponse à divers régimes de traitement anti-VIH – un pas, dit-il, vers des traitements plus personnalisés. Nakagawara approuve tout en affirmant que la grille peut être utilisée pour des projets plus personnalisés, comme la génomique de dépistage ou l’analyse des voies de signalisation – deux facteurs qui pourraient jouer un rôle dans la prochaine génération de traitements contre le cancer. »Le WCG peut être utilisé pour analyser les énormes quantités de données obtenues à partir du séquençage de l’ADN, du transcriptome, de la protéomique et des structures chimiques pour rendre possible une médecine personnalisée. »
Mais il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg quand on songe au potentiel de recherches qu’offrirons les futurs réseaux de grilles, dit Jasinski. Tant que les modèles de calcul sont en place « il n’y a pas de limite au sortes de domaines de recherche auxquels la grille peut contribuer ». La grille a déjà été utilisée pour étudier la chimie de l’environnement, la façon de produire des aliments plus nutritifs et la façon de gérer les cours d’eau pour un bénéfice maximum. Mais Jasinski dit »nous croyons aussi que la grille peut aider dans les modèles météorologiques et climatiques et dans des sujets d’études en sciences sociales et humaines – telles que des études comparatives de la littérature, des langages, de la musique. Nous ne sommes pas limités aux sciences physiques, dit-il. «Nous sommes seulement limité par les capacités des différentes communautés de recherche à créer des modèles précis de calcul.
Katrina Megget est un rédacteur scientifique pigiste basé à Londres, Royaume-Uni