Production de vaccins : le succès indien
Vaccin : un « modèle » indien spécifique ?
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L’Inde est connue pour la production à grande échelle de vaccins, thérapeutiques et biologiques, ainsi que pour ses services importants de diagnostic et de recherche clinique. Ce secteur représente plus de 60% du marché des biotechnologies du pays. Entre 2009 et 2010, la vente de vaccins a généré environ 34 millions d’euros de chiffre d’affaires. La majorité de la production, en nombre de doses, concerne les vaccins contre la Diphtérie le Tétanos et la Coqueluche, les Hépatites A et B, ou encore le vaccin poliomyélitique injectable.
Le dynamisme du pays dans le domaine biopharmaceutique s’explique notamment par sa capacité à produire des vaccins à bas coût en combinant trois facteurs, la simplification/amélioration des procédés de fabrication, la faiblesse des salaires et l’accès à un marché de masse. Combinaison qui permet de parler « d’innovation frugale », concept en vogue en Inde. Cette stratégie a permis à l’Inde de viser, non seulement son marché intérieur, mais aussi de façon croissante le marché mondial, notamment celui des pays en développement. Ainsi, la société Serum Institute of India, basée à Pune, est le cinquième producteur mondial de vaccins. Elle produit des millions de vaccins contre la méningite à un prix très faible (0.5 dollar) pour près de la moitié des enfants vaccinés dans le monde.
D’autres entreprises indiennes ont réussi à s’implanter aussi bien sur le marché national qu’international, comme notamment Panacea Biotech, Biocon, Indian Immunologicals, Bharat Biotech International ou encore Shantha Biotech. Ces sociétés se sont appuyées sur des partenariats de natures diverses (coopérations public-privé, collaborations national-international) afin de développer leurs activités. La collaboration entre Indian Immunologicals Ltd, société basée à Hyderabad, avec l’Indian Institute of Science à Bangalore dans le cadre de la recherche pour un vaccin antirabique à base d’ADN en est un exemple. Cette coopération a permis à chacun des deux partenaires de favoriser l’accès à des fonds publics de recherche ainsi qu’à des équipements de recherche coûteux et d’étendre leurs capacités d’essais cliniques.
Shantha Biotech : symbole du succès indien
Basée à Hyderabad, la société Shantha Biotech représente un succès commercial remarquable. Elle est la première entreprise biopharmaceutique indienne à produire, dès 1997, le premier ADN recombinant indien, à la base du vaccin contre l’hépatite B. En 2009, ses revenus ont excédé 91 millions de dollars, ce qui lui a permis de se placer à la 6ème position des grandes entreprises biopharmaceutiques en Inde. Son acquisition par Sanofi-Aventis en 2009 a mis en exergue l’importance du succès de l’entreprise, qui peut s’expliquer à travers plusieurs facteurs.
Avant même d’essayer de diversifier ses programmes de vaccins, notamment avec celui contre le choléra, Shantha Biotech a identifié un domaine thérapeutique (l’Hépatite B) pour lequel le coût ne représentait pas un obstacle pour l’accès d’un produit aux plus pauvres. Un autre facteur de son succès a été le fait de chercher de façon constante à établir de nouveaux investissements et partenariats, comme avec le ministère des affaires étrangères d’Oman ou encore avec Pfizer. Grâce à sa relation étroite avec le Centre for Cellular and Molecular Biology (CCMB) à Hyderabad et d’autres instituts de recherche indiens, Shantha Biotech a aussi bénéficié de l’apport de scientifiques locaux et de leur expérience en R&D. L’entreprise s’est également donné comme priorité l’innovation et la qualité dans les procédés, ce qui lui a permis de produire des vaccins à un prix abordable et de devenir la première entreprise indienne à être préqualifiée par l’Organisation Mondiale de la Santé, véritable garantie de la qualité du vaccin. En 2010 elle a produit environ 40% des vaccins anti-hépatite B achetés par l’Unicef. De même, grâce à un investissement annuel de 12% à 25% de son profit dans la R&D, Shantha Biotech a eu la possibilité de commercialiser sur le marché en moyenne deux nouveaux produits par an.
Les limites du succès indien
Malgré le dynamisme de l’Inde dans le domaine biopharmaceutique, le pays doit faire face à des menaces qui pourraient entraver son développement. La première concerne la difficulté d’accès, pour des entreprises innovantes, souvent de petite taille, à des financements publics et privés et la quasi absence d’institutions financières, de prêts et de subventions publics. La seconde a trait à la relative faiblesse en volume de sa R&D (environ fl de la recherche en Inde) et au manque de lien entre recherche fondamentale et recherche appliquée. La troisième difficulté du pays est liée à un manque très important de » cerveaux « , conséquence du manque d’établissements de formation de haut niveau, du peu d’intérêt des jeunes indiens pour des carrières scientifiques jugées peu attractives et d’une fuite toujours intense de cerveaux vers l’Occident. Enfin, le pays manque d’infrastructures lui permettant de garantir une distribution uniforme dans l’ensemble du pays des vaccins produits.
Par ailleurs, même si la législation indienne est censée être en conformité avec l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui concernent le commerce (accord ADPIC / OMC), son application n’est toujours pas effective dans de nombreux domaines, ce qui engendre des difficultés pour les entreprises biopharmaceutiques. Par exemple, la réglementation indienne ne reconnait pas les brevets issus de l’innovation incrémentale.
La façon dont l’Inde gérera ces difficultés déterminera la place qu’elle tiendra dans l’industrie biopharmaceutique pour les années à venir. L’annonce en novembre dernier par le National Institute of Immunology de prochains premiers essais cliniques du premier vaccin thérapeutique qui prolongerait de façon significative la durée de vie des patients atteints de cancer à un stade avancé, laisse envisager un avenir prometteur pour l’Inde. Ce vaccin pourrait être utilisé dans le cadre de la lutte contre les cancers du sein, des ovaires, du col de l’utérus et du sang.