Une piste pour lutter contre les mucites provoquées par les thérapies anti-cancer
Les recherches menées par le groupe du professeur Yinon Ben-Neriah de l’Université hébraïque de Jérusalem, en collaboration avec plusieurs laboratoires américains, ont permis d’identifier le rôle clé joué par les interleukines IL-1b dans l’apparition des mucites faisant suite aux chimio/radiothérapies. Les résultats de l’étude suggèrent que l’utilisation d’un antagoniste au récepteur de IL-1b pourrait permettre de prévenir et de soigner les mucites, ce qui améliorerait significativement la qualité de vie des patients traités pour un cancer.
Radiothérapie/chimiothérapie et inflammation de la muqueuse
Les mucites sont des inflammations sévères des muqueuses du système digestif et touchent en particulier l’intestin. Leur apparition est une complication fréquente des thérapies anti-cancer. Les mucites sont responsables de vives douleurs et elles sont donc souvent la cause de l’arrêt prématuré des traitements de chimiothérapie ou de radiothérapie. A l’heure actuelle, il n’y a pas de moyen efficace pour prévenir les mucites ni pour les soigner.
Un modèle de souris pour étudies les mucites
Plusieurs modèles de souris génétiquement modifiées ont été développés dans le laboratoire du professeur Ben-Neriah pour permettre l’étude de gènes liés aux cancers et aux processus inflammatoires. Dernièrement, un modèle de souris a été développé pour étudier les effets de la délétion du gène codant pour l’enzyme b-TrCP. Autrement dit, lorsque la délétion est induite, l’enzyme b-TrCP est absente chez ces souris. Cette enzyme, découverte quinze ans auparavant dans le laboratoire du professeur Ben-Neriah, est un régulateur clé des processus inflammatoires.
Les résultats de l’étude, publiés dans la prestigieuse revue PNAS, montrent que les souris génétiquement modifiées présentent une inflammation très sévère des intestins, semblable aux mucites que l’on retrouve chez l’Homme. La délétion du gène codant pour l’enzyme b-TrCP cause des dommages de l’ADN au niveau de la muqueuse, ce qui mime les effets de la radiothérapie ou de la chimiothérapie. Ce modèle de souris est donc idéal pour étudier les effets des traitements anti-cancer et en particulier l’apparition des mucites.
Les coupables : les interleukines
En menant l’enquête de façon plus approfondie pour comprendre ce processus pathologique, les chercheurs ont mis en évidence que le problème venait des interleukines, et en particulier de l’interleukine IL-1b. L’interleukine IL-1b est une molécule synthétisée par les cellules du système immunitaire (macrophages, monocytes, cellules dendritiques) qui joue un rôle prééminent dans la réponse inflammatoire. IL-1b permet de signaler aux cellules une infection et celles-ci vont répondre par la sécrétion de plusieurs médiateurs inflammatoires. Les recherches ont montré qu’en réponse au stress engendré par l’absence de b-TrCP, la muqueuse sécrète ces interleukines qui ont pour conséquence d’ouvrir de façon anormale la barrière intestinale. Les bactéries peuvent donc pénétrer et détruire l’intestin.
La découverte la plus significative de ces travaux est que lorsque des anticorps à IL-1b sont injectés (ce qui empêche IL-1b de se fixer sur son récepteur et donc d’exercer son action), les souris ne développent plus de mucites.
Cette étude suggère donc que bloquer l’action des IL-1b sur leur récepteur par un antagoniste permettrait de prévenir les effets délétères des chimio/radiothérapies sur les muqueuses. Il existe déjà dans le commerce des antagonistes aux récepteurs de IL-1b, comme l’anakinra (commercialisé sous le nom commercial Kineret) utilisé à l’heure actuelle pour traiter des maladies chroniques comme les rhumatismes ou la maladie de Crohn. Cette molécule pourrait également être utilisée à l’avenir pour prévenir les mucites.