Bilharziose : un vaccin de l’INSERM – Institut Pasteur
A propos de la bilharziose
La bilharziose (ou schistosomiase) est, après le paludisme, la maladie parasitaire la plus répandue au monde. Elle touche essentiellement les populations des pays en développement en zone tropicale et inter tropicale. Le parasite responsable (shistosome ou bilharzie) infecte d’une façon chronique plus de 200 millions de personnes dans 75 pays, et 800 millions d’individus y sont exposés régulièrement en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. On estime le nombre de morts à près de 300,000 par an, les enfants ou les jeunes adultes étant les plus touchés. L’Afrique est le continent le plus affecté par la bilharziose.
La bilharziose est une infection chronique dont l’agent responsable est un ver appelé schistosome ou bilharzie. Ce parasite se développe successivement chez deux hôtes, un hôte intermédiaire et un hôte définitif. L’hôte intermédiaire est un escargot aquatique qui vit dans les eaux douces, l’hôte définitif est l’homme ou d’autres mammifères. L’infection se fait par voie transcutanée au contact de l’eau contaminée (activités agricoles et domestiques pour les adultes, jeux et petites activités domestiques pour les enfants). Les larves qui se sont développées chez l’escargot aquatique, et libérées dans l’eau, pénètrent la peau de l’individu et se différencient en vers adultes, lesquels s’accouplent dans la circulation sanguine et produisent une quantité importante d’oeufs. Une partie de ces oeufs s’infiltre dans les tissus, où ils induisent une réaction inflammatoire locale, aux conséquences dramatiques. L’évolution de cette parasitose peut, en effet, entraîner une forte anémie, des atteintes hépatiques ou rénales très sévères, des cancers du tractus uro-génital, voire une stérilité dont on mesure le grave retentissement humain, en Afrique, notamment sur le plan socioculturel.
Bilhvax 3
Tout commence à la fin des années 80 quand le Professeur André Capron, professeur à l’Université Lille 2, à la tête d’une Unité Inserm à l’Institut Pasteur de Lille, initie des travaux de recherche ayant pour but d’identifier un candidat vaccin contre les bilharzioses. Le parasite adulte étant très peu accessible à la réponse immunitaire et les oeufs étant les principaux responsables de la pathologie, la stratégie choisie se focalise sur la limitation de la ponte. Les recherches conduisent à l’identification d’une enzyme du ver, cruciale dans le processus de fécondité des schistosomes. L’efficacité de cette molécule utilisée comme protéine vaccinale est alors démontrée dans de nombreux modèles animaux, en laboratoire comme en zone d’endémie.
Développement clinique du vaccin Bilhvax
En 1995, les scientifiques lillois unissent leurs compétences à celles d’Eurogentec (S.A., Liège, Belgique) afin de définir les procédures d’obtention de la protéine parasitaire sous forme recombinante, ouvrant ainsi la voie vers la production en masse d’un vaccin administrable chez l’homme. Après les étapes cruciales de vérification de l’absence de toxicité, une phase initiale d’essais cliniques (Phase 1) du premier candidat- vaccin contre la bilharziose, appelé dorénavant BILHVAX®, est réalisée à Lille, sur des volontaires sains, au Centre d’Investigation Clinique (CIC Inserm- CHRU). Avec l’appui du centre sénégalais de recherche clinique Espoir Pour La Santé (EPLS), et sous la conduite du Dr Gilles Riveau, les chercheurs français, belges et sénégalais s’engagent ensuite dans le développement clinique du premier vaccin thérapeutique, dédié avant tout aux enfants.
Le développement de ce vaccin pédiatrique a nécessité deux études cliniques de sécurité, puis trois études chez des sujets infectés permettant de tester la tolérance et l’immunogénicité du candidat. Parfaitement bien toléré chez les sujets infectés (adultes et enfants), BILHVAX® induit une réponse immune présentant toutes les qualités requises devant assurer une protection contre le développement de la pathologie bilharzienne.
Prouver l’efficacité du vaccin
La troisième phase d’essai clinique, Bilhvax 3, actuellement en cours, a pour but de tester l’efficacité du vaccin chez 250 enfants infectés dans le contexte d’une vaccination thérapeutique.
La vaccination
Entre mars et juin 2009, les 250 enfants admis dans l’étude Bilhvax 3 ont d’abord reçu les trois administrations soit du vaccin soit du placebo, à un mois d’intervalle.
Puis ils ont eu leur injection de rappel un an après les premières vaccinations, entre le 29 mars 2010 et le 4 mai 2010, à l’Antenne d’Investigation Clinique de Ndiaye.
Le suivi médical des enfants est assuré tout au long de l’étude par des visites médicales, des échographies et des prélèvements biologiques. Toutes les données recueillies après contrôle sont saisies et sauvegardées en vue d’une analyse à la fin de l’étude.
Après la vaccination, la phase de suivi
Le suivi clinique des patients a débuté le 25 octobre 2010, à raison d’une visite tous les quatre mois (en novembre 2010, mars 2011 et juillet 2011). Les enfants subissent un examen médical, échographique et parasitologique pour vérifier qu’ils ne présentent pas de souci de santé particulier. A date, aucun de problème n’a été décelé. La prochaine visite (l’avant-dernière) aura lieu en novembre 2011.
Etat d’avancement
Une année de préparation a été nécessaire avant que l’étude clinique Bilhvax 3 ne débute. Durant ces 12 mois, Eurogentec a produit le vaccin, EPLS a établi ses structures médicales et la coordination du programme a obtenu les feux verts des différentes autorités médicales et éthiques.
Pendant qu’Eurogentec faisait parvenir les vaccins aux autorités sénégalaises, le personnel médical et scientifique de la structure investigatrice EPLS sélectionnait quelque 300 enfants dans la Région du Fleuve Sénégal. Effectuée entre novembre et décembre 2008, ce recrutement a été réalisé au sein d’une population de plus de 2000 enfants et a nécessité 5000 tests cliniques et biologiques.
Suite à cette sélection qui a donné lieu à la signature des consentements éclairés par les parents, 250 enfants, issus de 13 villages et atteints de bilharziose, ont été inclus dans l’étude. L’ensemble des enfants des villages ont été traités puis les 250 participants à l’étude ont reçu trois administrations à un mois d’intervalle, soit de vaccin, soit de placebo (entre mars et juin 2009). Un rappel vaccinal était prescrit un an après la première administration (des visites de surveillance étaient régulièrement effectuées).
Le programme Bilhvax 3 a mis en place, dès sa conception, toutes les mesures de sécurité nécessaires. Elles ont été appliquées pour la production du vaccin et sa conservation, ainsi que développées auprès des enfants sur le terrain pour les analyses médicales, les soins et la surveillance. Toutes les normes de sécurité ont également été établies pour les bases de données et leur anonymisation. Enfin, veillant à l’application des Bonnes Pratiques Cliniques et des normes de sécurité, et assurant la transparence vis-à-vis de toutes les personnes ou autorités impliquées, une série de comités de vigilance ont été constitués et réunis suivant un calendrier établi. Ces mesures de veille à la sécurité ont été étayées par une surveillance (« monitoring ») régulière de l’ensemble des paramètres de l’étude ainsi que par des audits internes et externes effectués par les autorités compétentes (OMS, Inserm, Ministère de la Santé du Sénégal).
Les résultats sont attendus fin 2012. En cas de succès, le vaccin, premier au monde à avoir atteint ce stade d’essais cliniques, devrait permettre de contrôler la pathologie induite par l’infection, diminuer les récidives et contribuer à l’amélioration des conditions sanitaires des populations.